Dans le cadre de l'anniversaire des 120 ans de la naissance de Marcel Pagnol, la ville d'Aubagne a mis en place une exposition intitulée "De l'encrier au projecteur".
Une exposition qui retrace toute la vie de Pagnol, ses objets, ses écrits, son itinéraire… Le début de cette année de réjouissance est décrit ici :
Cette exposition se tient du 2 Octobre au 30 Janvier 2016 dans le Centre d'Art des Pénitents Noirs.
Ce bâtiment est l'ancienne chapelle des Pénitents Noirs qui arrêtent leurs activités en 1887. La ville rachète le bâtiment en 2001 pour enfin en faire un lieu d'expositions puis un lieu dédié aux arts après des travaux en 2007.
Les pénitents, laïcs se regroupant en confrérie, débutent en France leur existence au 13ème siècle. Les Pénitents Noirs d'Aubagne sont constitués en 1551. Ils se trouvent à côté des Pénitents blancs qui se constituent en 1624 et les Pénitents Gris qui se constituent en 1672.
Je relaterai ces histoires des Pénitents d'Aubagne plus tard. L'extérieur du bâtiment n'est pas très exceptionnel hormis la façade néo-classique qui voulait rivaliser avec la façade néo-baroque du bâtiment des Pénitents Blancs. Cette façade est sauvegardée.
L'intérieur est très bien restauré, la partie basse n'est pas visible à cause de l'exposition.
Ces 2 années qui viennent de se passer sont immenses en commémoration pour la Provence. Ces 2 années ont donc vu le centenaire de la mort de Frédéric Mistral, le seul Prix Nobel français en langue régionale minoritaire.
Le 120ème anniversaire de la création de la cigale par Louis Sicard, céramiste à Aubagne.
http://www.lesdeuxprovencales.com/25-cigale-louis-sicard
Le 120ème anniversaire du Cinéma par les frères Lumière à La Ciotat, voir :
http://l-estrangie-e-li-santoun.over-blog.com/2015/10/la-ciotat-palais-lumiere.html
Le 100ème anniversaire de la mort de Jean-Henri Fabre.
http://l-estrangie-e-li-santoun.over-blog.com/2015/09/avignon-jean-henri-fabre-palais-du-roure.html
Le 120ème anniversaire de la naissance de Jean Giono dont Pagnol réalisera le film Regain.
Un très bel article du Figaro Hors Série de Juin 2015 consacré à Pagnol permet de très bien situer qui est Marcel Pagnol, et ce qu'il a été.
Le Figaro explique que Pagnol aurait pu en rester à cette gloire qui lui avait tout fait connaître. Daudet, Mistral, Giono, Fresnay, Raimu, des femmes actrices, des femmes de cœur, la gloire du cinéaste et du théâtre.
Le couronnement de l'Académie Française. Sa dernière pièce, Judas, n'avait pas eu de succès. Le sérieux était celui de Sartre ou Camus et Pagnol devait rester dans le comique Marseillais sous peine de ne pas être crédible.
Il s'est alors lancé dans ses souvenirs d'enfance, dans un exercice littéraire plus difficile que des répliques rapides au cinéma. Les phrases doivent pouvoir être plus construites et comprendre la description que l'image réalise d'habitude.
Il va alors relater tout ce qui l'a construit, sa famille, ses amis, ses maîtres, ses paysages. Il va alors décrire cette brûlante patrie qu'est la Provence.
Il va la partager en tête à tête avec chaque lecteur, la défendre, la sublimer, la faire aimer, et j'avoue que mon arrivée en Provence tient aussi de ces lectures.
Pagnol a un très fort héritage de ses parents, un héritage qui l'a construit pour être ce qu'il était. Son père instituteur laïc et républicain lui a interdit d'apprendre le Provençal comme le voulait la république Jacobine de Thiers.
Mais il lui a aussi appris le plaisir du bien lire, du bien écrire, du bien étudier du bien transmettre. Mme Pagnol était une couturière, de santé fragile et elle laissait son fils Marcel en surveillance dans la classe d'instituteur de son mari, tous les matins, alors qu'elle allait faire les courses du jour au marché.
C'est ainsi que son père s'aperçut un jour que Pagnol avait appris tout seul à lire alors qu'il n'avait que 3 ans.
Toute cette vie de Famille, Marcel Pagnol va la retranscrire dans deux de ses plus belles œuvres,"La Gloire de mon Père" et le Château de ma Mère", le manuscrit original du premier est présenté.
Cette expo montre aussi cet aspect de sa vie, avec des photos de Jacqueline Pagnol, Marcel montrant à son fils le Ferry Boat d'Escartefigue, ou à l'Abbaye de St Michel de Frigolet lors du tournage des Lettres de Mon Moulin et le Prieur Général qui était son ami, des photos de sa vie à La Treille ou au Vallon Marcellin d'Aubagne
Marcel Pagnol n'a pas été que cinéaste ou écrivain, il a été un chercheur en tout et de tout et, ce, depuis son plus jeune âge, mais des recherches qui n'ont jamais cessé lors de sa gloire de cinéaste ou d'écrivain.
Recherche sur la Vapeur en 1928, sur le boulon indéboulonnable dont il déposera même un brevet en 1937, diverses recherches sur la tuberculose, l'arrosage automatique,
Le Théorème de Fermat, le microscope sonore, la radioactivité dès 1944.
Comme tout Provençal, il sait que l'eau est un problème et il fera beaucoup de recherches comme sourcier et comme foreur de sources, il créera même une foreuse.
Mais toujours épris de justice et de démocratie, il se lancera dans la construction d'une voiture simple peu onéreuse dès la sortie de la guerre dans ses studios de Marseille, la Topazette, diminutif du Topaze d'un de ses films.
Il a toujours été marqué par le travail de son grand père, tailleur de pierres, Compagnon de France dont il a conservé toujours son marteau. Il a toujours défendu le geste ouvrier car c'est lui qui crée les œuvres. Pour lui, l'ouvrier avec son geste démontre que c'est l'homme qui se construit dans l'unité de la main et de la pensée.
Une grande partie de l'exposition est réservée à son matériel de cinéaste, dont la première caméra Super Bravo faite pour le cinéma sonore et non une caméra pour le muet adaptée au sonore.
Une partie de l'expo relate la construction du village d'Aubignane au dessus d'Aubagne pour reconstituer le village de Redortiers du roman Regain de Giono et en faire le film si réussi.
Une autre partie explique le passage à la couleur par Pagnol, déjà académicien, pour son projet "La Belle Meunière".
C'est dès 1933 que Pagnol devient aussi Producteur, puis avec ses propres studios en 1937 sur Marseille, et son acquisition de terres dans les collines pour y réaliser un Hollywood à la Provençale. Il est le premier réalisateur à sortir et tourner en pleine nature quel que soit le temps. Ce sont deux jeunes cinéastes qui viendront lui dire qu'ils le considèrent comme l'un des plus grands cinéastes de tous les temps et qu'ils le considèrent surtout comme leur maître. Ils se nommaient Claude Chabrol et François Truffaut.
Puis vient le temps de la gloire, de la reconnaissance. Il est élu à l'Académie Française en 1946. Le fauteuil qu'il prend avait été, hasard bien fait, celui d'un autre Aubagnais, l'Abbé Jean Jacques Barthélemy qui y avait été élu en 1789.
Dans Aubagne, une fontaine portait le nom de cet illustre personnage, cette fontaine laissait courir son bruit au carrefour où se trouve la maison natale de Pagnol, bruit prémonitoire qu'il a entendu dans sa prime enfance.
L'enterrement de Pagnol s'est fait par une cérémonie religieuse à Paris où son corps était dans son habit vert d'Académicien, mais il a été enterré dans son village de La Treille près d'Aubagne en habit de paysan, comme il l'avait demandé.
C'est donc seulement pour ces 120 ans que Mme Pagnol explique cette vérité et présente son vrai habit vert. L'épée d'Académicien doit avoir sur sa poignée ce qui le représente. Pour Pagnol, c'est le rameau d'olivier de la Provence, le parchemin de l'anse de la poignée porte les 3 noms de ses plus grandes œuvres, Marius, Fanny et César.
On trouve comme autres symboles, les deux masques de la Tragédie et de la Comédie, la pellicule de cinéma, une plume pour l'auteur, la croix bleue de Marseille sur un poisson comme son signe.
Sur la garde, une topaze au milieu d'un soleil, symbole de la force de l'esprit mais aussi titre de son premier succès au théâtre. Et, en dessous, la croix de Malte pour l'artisan du cinéma mais aussi, le nom de la pièce qui permettait l'avance image par image dans les caméras.
Quant aux médailles, Pagnol avait un point de vue loin des nombreux faux culs que l'on peut rencontrer. Il ne les refusait pas, il disait que si on a des honneurs, c'est qu'on les a mérités. Mais la décoration qui lui était la plus chère était celle de Commandeur des Palmes Académiques. Pour lui, le fils de l'instituteur, c'était celle qui était la plus chargée symboliquement.
Les objets de son bureau, ces choses qui le suivaient de bureau en bureau, sont tous réunis. L'encrier et la plume montée sur un roseau de sa maison de la Gaude qu'il avait taillé lui-même. Son tampon buvard. La massette de son grand père Compagnon Tailleur de Pierres. L'harmonica de Paul, son jeune frère, complice des jeux d'enfance, mort à 30 ans. Cet harmonica ne le quittera plus et sera même celui de Manon des Sources dans le film.
Bien après sa mort, Pagnol a reçu un César d'Honneur remis à sa veuve en main propre par le sculpteur César.
Et depuis quelques années, pour fêter le Prix Marcel Pagnol créé en 1990, Frank Duval, dit FKDL, artiste de collage, rend hommage à Pagnol avec des affiches reconstruites.
Une exposition à voir du 2 Octobre jusqu'au 30 Janvier 2016.