Dans le département du Tarn et Garonne, il existe un petit village d'une centaine d'habitants dénommé Lachapelle. Il porte le nom de la chapelle qui en fait sa richesse.
Cette chapelle a d'abord été celle du château qui date du 11ème siècle, elle est devenue l'église paroissiale Saint Pierre au 15ème siècle.
Elle a été restaurée au début de ce siècle, son plafond en papier peint en 1991 à l'identique du plafond original.
Cette église est entièrement baroque à l'intérieur, un monument réalisé en 1776 aux frais et à la demande des abbés Goulard. Cette richesse a pu passer la bêtise de la Révolution Française, sa capacité à détruire, car les curés ont alors expliqué aux paroissiens qu'ils s'engageaient à doter toutes les filles à marier du village sur leur fortune à condition que ceux-ci sauvent ce patrimoine, ce qui fut quasiment fait.
Le décor baroque en forme de théâtre vénitien se compose principalement de bois mouluré peint et doré, et dispose de deux étages de tribunes convexes et concaves qui occupent le fond du monument. Ce décor a été réalisé en bois par un menuisier de Lectoure, et non en stuc, ce qui explique aussi sa conservation.
Cette chapelle est enserrée dans le castel qui n'était autre qu'une commanderie templière. La tour en a été réduite de moitié au 19ème siècle.
Une équipe soudée même si elle est petite se bat pour sauver et faire vivre cet immense patrimoine unique en Europe dans cet état là. Et bien sûr, en cette période où construire des stades de foot à plusieurs centaines de millions pour recevoir des hooligans russes ou anglais, alcoolisés et drogués, est une nécessité, l'association s'est vue réduire les subventions qui lui permettaient d'assurer les 15 000 visites estivales d'un monument historique qui a coûté, lui aussi, quelques centaines de milliers d'euros pour son entretien.
Mais ce monument est loin des festivités que les grands de ce monde jettent en pâture au peuple pour qu'il oublie les promesses électorales…
Le village est petit, posé sur son piton qui domine cette très riche plaine de Lomagne. Dans le lavoir restauré, une photo des processions qui perdurent chaque année avec les saints de l'église. Devant la mairie, comme dans de nombreux villages du Sud-Ouest, une Vierge Marie datant de la fin du 19ème siècle.
Le Castel est la propriété, bien heureusement, d'un membre très actif de l'association d'entretien de la Chapelle. Il y consacre tout son temps et tout son argent pour le restaurer, pour y entretenir les 1300m² de toiture. Ainsi, il nous a autorisés à venir en voir une partie. A l'extérieur, les meurtrières en forme de croix sont les signes d'une commanderie Templière comme il y en a beaucoup dans cette région. La Tour réduite de moitié est encore visible.
L'extérieur de l'église est enchâssé dans le castel puisque c'en était au départ la chapelle privée. Le clocher est situé au bout de la nef, à l'ouest car la chapelle est parfaitement orientée. C'est un mur-clocher à quatre ouvertures deux à deux jumelles dont les cloches fonctionnent par un mécanisme ingénieux et intérieur.
Le portail d'entrée est un arc à ogives tores fermé en haut d'une figure humaine. A chaque angle des coudes se trouvent des figurines humaines dont il n'en reste plus qu'une aujourd'hui. Cela pourrait être Dieu accueillant le Fils et le Saint Esprit. Il reste encore une trace des plaques d'assurance, telles qu'elles étaient posées par les compagnies tant pour certifier l'assurance que pour faire une publicité, oui, déjà…
L'entrée intérieure est un superbe sas à trois portes. Deux discrètes permettent d'accéder d'une part sous la chaire, l'autre d'aller par un escalier en colimaçon directement aux tribunes. La porte principale à deux battants permet une entrée triomphale dans la nef et son sommet est orné d'un bois qui date sa construction, 1776.
La rentrée dans la nef permet d'avoir une vision spectaculaire de cet écrin baroque. A noter en particulier les lustres qui datent du 18ème.
Le plafond est en vrai papier peint, recréé pour la rénovation à partir d'un morceau encore sain conservé dans un cadre. Ce papier est la copie du plafond de l'église Saint Charles de Rome.
Le Chœur est fait de 3 autels qui permettent de donner un aspect ovale à l'intérieur de l'édifice. Le maître autel porte un retable du 17ème en bois sculpté doré. Il est surplombé d'un Christ souffrant.
Sur les deux autels latéraux se trouvent deux statues, celle de Sainte Quitterie, terrassant un chien enragé, en bois sculpté doré du 16ème et celle ce la Vierge à l'enfant du 18ème.
Par ailleurs, sur la droite de l'autel, il y a un reliquaire en bois sculpté qui contient les reliques de St Prosper, né en Aquitaine en 390, et s'en vint à Marseille. La Provence était alors un haut foyer de réflexion théologique, animé notamment par les moines de l'abbaye de Lérins et par ceux du monastère Saint-Victor de Marseille. Il constate que ces monastères remettent en cause l'enseignement d'Augustin. Après la mort de saint Augustin en 430, Prosper se fit un devoir de continuer à lutter pour défendre la pensée de son maître. Il se rendit même à Rome, avec un autre admirateur d'Augustin nommé Hilaire, afin de demander au pape Célestin Ier de trancher le conflit en leur faveur. Ce dernier adressa à tous les évêques de Gaule une lettre contenant un vibrant hommage d'Augustin.
Le Chœur est agrémenté sur ses faces Sud et Nord de stalles en bois sculpté, elles datent du 17ème siècle et datent d'un décor antérieur au décor baroque du 18ème. Elles sont sculptées de visages sans qu'une explication ait été trouvée par les chercheurs.
La chaire se trouve au Sud avec le lutrin. Celui-ci date du 17ème siècle et il comporte toute la symbolique chrétienne. De fait, ce lutrin serait plutôt un pupitre à deux faces pour les lectures dans une abbaye du 17ème disparue. On y a toute la symbolique de l'enfer au pied avec ses têtes de béliers, l'élancement en feuille d'acanthe sur l'axe central, et au dessus le globe terrestre que les aigles de Saint Jean l'Evangéliste vont monter vers le ciel.
Il existe deux baptistères dont un très ancien de la première décoration et au pied duquel sont visibles des boulets tirés par les anglais trouvés dans la rénovation du castel.
Les tableaux, au nombre de 7, ont une histoire exceptionnelle. Le seul révolutionnaire du village, le cordonnier, a voulu les détruire, et seuls les bois dorés ont pu être sauvés et cachés à Lectoure. Après le concordat, l'église redevient un lieu de culte et les cadres repris, les villageois financent la reconstruction des tableaux, de façon ressemblante, l'histoire ne le dit pas.
Le Christ souffrant au centre sur l'autel, l'Assomption de la Vierge, St Pierre patron de l'église, St Hilaire, St Jean, l'Ange Gardien, et St Thomas d'Aquin. Ce dernier tableau cache un trait d'humour puisque St Thomas d'Aquin terrasse d'habitude Averroès, ici il terrasse un cordonnier, celui du village qui a détruit tous les tableaux et cela se voit au fait qu'il tient les outils des cordonniers à la main, et qu'il est mal chaussé, le proverbe dit bien que ce sont les cordonniers les plus mal chaussés.
Les tribunes sont constituées de trois niveaux, les balustres du premier étage sont plus décorés car elles étaient utilisées par la classe dominante. Des cartouches ont été sculptés en haut de chaque balustre. L'un d'entre eux est daté de 1879, année de la restauration, deux autres représentent des visages, certainement les deux frères prêtres et mécènes.
Depuis les tribunes, la vue est divine sur les lustres, sur la nef mais aussi sur la méthode de construction de ce décor.
L'accès au premier et deuxième étage permet de voir la construction du toit qui date du 15ème siècle, charpente dans un état parfait. Le système mécanique de fonctionnement des cloches aurait besoin d'être restauré mais c'est la seule pièce de l'église non inscrite aux monuments historiques.
Un monument à visiter par exemple en Décembre lors du circuit des crèches du Gers, dont je parlerai dans un autre sujet.