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Aiguines est une commune du Haut Var d'un peu plus de 270 habitants mais qui attire chaque année des milliers de touristes et crée ainsi du travail et des commerces pour des dizaines d'habitants des villages environnants.
Cette commune, située dans le Verdon, est connue depuis la nuit des temps. Un oppidum trace ses premiers vestiges. Puis, c'est à un peu plus de 800 m d'altitude, vers la chapelle St Pierre que se situe le village. Il n'en reste que quelques ruines et en particulier un abri pour pigeons, avec ses carreaux vernissés pour empêcher les fouines et autres malfaisants de s'en prendre aux pigeons et aux œufs de pigeons, abri creusé à même la montagne.
La chapelle St Pierre est mentionnée dès 1043, donc chapelle romane primitive. Elle a été restaurée récemment et une messe y est dite chaque premier dimanche d'août. Elle est non visitable, fermée pour cause de saccages comme beaucoup d'édifices, on peut même remarquer que sa cloche est protégée d'éventuels vols ou saccages.
C'est de là haut qu'on a la plus belle vue sur le lac de Ste Croix et sur le village.
Le village construit à partir de la renaissance sur les pentes sous l'ancienne chapelle est un village typique perché de Provence, petites rues, rues en escaliers, constructions verticales de plusieurs étages pour occuper le moins de place au sol.
Quelques monuments sont emblématiques de la commune. Le château renaissance avec ses 4 tours aux tuiles vernissées est une propriété privée, donc non visitable, entourée d'un parc protégé de murs en pierres sèches d'une épaisseur assez spectaculaire.
L'église St Jean est devenue paroissiale à cette même époque de la renaissance. Elle est de style roman et elle a été construite au moyen âge même si on n'a pas sa date exacte. Comme de nombreuses églises de village, elle est non visitable malheureusement.
La place du Barda est celle où se réunissaient les ferreuses par beau temps, surplombant la place de la fontaine où elles pouvaient se ravitailler, et la place est surplombée par le beffroi dont l'horloge donnait l'heure…
La fontaine date de 1770, c'est le seigneur de l'époque qui l'a faite bâtir pour partager une source située sur ses terres avec les habitants.
Enfin, le lavoir date du 19ème siècle, de très belles peintures le décorent.
Chaque année, depuis maintenant 14 ans, Aiguines organise une expo de tourneurs sur bois au mois d'Août.
C'est le moment de venir voir des artistes amateurs au travail, disponibles pour expliquer et montrer leur travail, et une exposition de pièces à vendre ou non qui proviennent de leur travail.
Le village d'Aiguines doit son nom à la racine pré-latine AIKIN qui veut dire altitude. Cela correspond bien à l'histoire de ce village qui est descendu du premier oppidum situé à 1500 m pour s'installer autour du premier château dont il ne reste qu'un pan de mur en ruine et la chapelle St Pierre. Le village compte alors en 1315 plus de 400 habitants. Le village commence à se construire en contrebas dès la renaissance. En 1698, ce sont pas moins de 700 habitants qui y sont comptés. La région est riche de ses bois et en particulier, sur le plateau de Canjuers, pousse du buis rabougris dans ce plateau aride, buis qui se crée d'immenses racines massives pour arriver à survivre et à stocker son eau. C'est cette végétation particulière et unique en Provence qui va faire la richesse du village. Les paysans et éleveurs de chevaux et de moutons vont devenir en hiver des tourneurs sur bois et travailler les forêts et en particulier ce buis aux propriétés de résistance si énormes. Dès le 16ème siècle, des centaines de tourneurs vont s'installer ici, le village comptera alors plus de 1000 habitants au milieu du 19ème siècle et en aura encore près de 600 avant la première guerre mondiale.
Il existe très peu de régions en France qui ont pu ainsi devenir des hauts lieux du tournage du bois. Le Jura bien sûr et les pipes de St Claude, et aussi quelques lieux en Pyrénées. Mais Aiguines est le seul village de tout le Sud Est de la France qui possède cette richesse du buis, des nombreuses sources d'eau qui vont alimenter les tours à bois et cette main d'œuvre paysanne, libre en hiver à cause des conditions climatiques dures et de montagne.
La tournerie va devenir le deuxième métier de cette population et lui assurer un deuxième revenu substantiel. Et dès le 18ème siècle, plus encore au 19ème siècle, c'est la boule de jeu qui va devenir la renommée du village. Au début du 19ème siècle, il est créé le renforcement de ces boules de buis par le ferrage avec des clous car le jeu de boules devient très important mais les boules s'abîment vite. On les cloute alors partiellement avec des clous faits mains. C'est en 1872 qu'est importé des Etats-Unis la fabrication industrielle des clous et qu'alors le ferrage complet des boules peut devenir faisable. L'industrialisation de la boule ferrée est possible. Ce sont les femmes qui réalisent ce travail, elles n'ont besoin que d'un billot pour clouter en utilisant les temps libres, devant chez elles par beau temps, ou à l'intérieur de la maison, surveillant ainsi la cuisine et les enfants tout en amenant une valeur ajoutée au travail des hommes de la maison qui étaient devenus chercheurs, scieurs, porteurs et tourneurs de bois.
Mais en 1923, la boule en bronze, puis en acier est créée par le système de deux coquilles embouties. En 1947 est créée la première boule en acier trempée avec son reflet bleu du à l'alliage acier carbone. La société de la boule bleue s'installe à Marseille et signe définitivement la fin de la boule cloutée d'Aiguines, boule cloutée qui était déjà très mal en point depuis une vingtaine d'année, depuis les premières boules en métal.
La richesse du village acquise grâce à cette activité unique, cloutage et ferrage des boules, va devenir sa perte. Il va vite falloir se tourner vers le tournage du bois, pour les quilles, les pieds de table. Il ne va rester qu'un atelier de tourneur en 1980, atelier repris par la commune pour en faire le Musée de la Tournerie, le Musée des Tourneurs sur bois. De même, depuis quelques années, l'école Escoulen de tournage sur bois donne des formations longues ou des stages d'une semaine pour toute population.
Le tour dans le Musée permet de suivre toute l'activité du bois sur ce pays, depuis son ramassage, son tournage jusqu'aux tournages actuellement orientés vers l'art.
L'atelier du dernier tourneur fermé en 1980 est conservé intact au milieu du Musée. Cette visite permet de comprendre le vieux métier de tourneur de boules, santon réalisé par Baudoin Gassies dont j'ai présenté l'atelier ici :
http://l-estrangie-e-li-santoun.over-blog.com/2018/08/baudoin-gassies-santonnier-a-aiguines.html
De même, cette visite permet de comprendre le métier de ferreuse de boules, santon réalisé par Baudoin Gassies et par Artera aussi.
L'entrée du Musée
Quelques costumes Provençaux dans le sas du Musée
Le dernier atelier du tourneur de bois est restitué dans sa dernière phase.
Vie du buis à Aiguines : la recherche de la racine, les outils pour couper le buis, la racine de buis, de la racine à la boule, le porteur de buis, le tourneur et la ferreuse
le ferrage de la boule
premières boules en bois et la réparation
les premiers cloutages, et techniques de cloutage
la boule lyonnaise ferrée avec des clous ronds
le ferrage à la grenobloise avec des clous carrés
ferrage à la marseillaise avec des clous se recouvrant en écaille
les boules métalliques
Un village donc à visiter pour sa beauté, pour son musée et son originalité et un village à visiter pour tous les amoureux du santon.