Salon de Provence possède sur un seul lieu une très grande richesse de la construction en pierres sèches, lieu assez unique qui regroupe plusieurs dizaines de bories, ces petits abris de pierres qui parsemaient antan les champs et les collines.
Rappelons d'abord que le terme borie pour cet usage est impropre normalement, les bories étaient au départ le nom des habitats permanents proches de la ferme ou annexes proches de la ferme et non ces habitats temporaires, ces annexes temporaires situées loin de l'habitat principal.
En provençal, ces cabanes se disent plus normalement "casau" de façon générale.
Dans le pays salonais, ces bâtiments s'appelaient des cabots, nom que l'on retrouve dans les chabots des zones les plus hautes des Alpes-Maritimes au début du XXe siècle.
Le terme de "borie" est la francisation du terme provençal bóri (voir le Tresor dóu Felibrige). Le terme borie, dans son acception actuelle de "cabane en pierre sèche", vient des archéologues de salon de la 2e moitié du XIXe et du début du XXe.
Ces bories étaient faites des pierres ramassées dans le champ que l'on épierrait au fur et à mesure des cultures. Elles avaient de très nombreuses utilités :
- abri si le temps venait à se gâter
- lieu de campement pour se restaurer à mi-journée et s'abriter en cas de soleil trop fort vers les midi.
- Lieu pour dormir si les travaux se situaient dans des terres trop éloignées de la maison pour faire les allers-retours dans la journée
- Lieu d'abri du berger dans son pastoralisme
- Endroit pour ranger les outils et les machines qui restaient ainsi loin de la ferme au plus près des lieux de travail
- Abri pour la volaille que l'on mettait dans les champs fraichement moissonnés pour venir y piéter ce qui était tombé des épis.
Le Tallagard, situé au nord-est de Salon est une colline de plusieurs dizaines d'hectares qui fût un haut-lieu du pastoralisme de la Crau jusqu'au début du 20ème siècle.
On y trouve, maintenant que ces terres ne sont plus habitées, de très nombreux murs de séparations et de protections des cultures, des bories, des fermes, des calades.
C'est cette balade que je vous propose, balade que nous avons pu faire ce mardi 20 avril avec un guide de l'association "Patrimoines et Chemins de Salon", Monsieur Jean-Pierre Sanmartin.
Cette colline est recouverte maintenant d'une végétation très typique de notre région, la garrigue, avec les chênes kermès, les chênes verts, les cystes cotonneux, une végétation peu haute en général.
La ville de Salon, grâce à des services techniques fort actifs, y plante et y entretient des vergers d'oliviers et d'amandiers.
Par ailleurs, l'ancienne zone de dépôt d'ordures est devenue un champ voltaïque qui alimente plus de 5000 logements de la ville.
Malheureusement, si les forêts et les zones de verdure méritent un entretien, les dernières coupes de bois pour élargir les sentiers en vue des risques d'incendie ont été faites de façon scandaleuses par l'ONF, déboisages qui ont cassé des murs en pierres, qui ont laissé des tonnes de branches derrière eux, branches qui vont sécher très vite et devenir de superbes lits pour les incendies et qui en attendant laissent un paysage de désolation.
Les restes de l'habitation du temps passé et du travail des hommes sont encore très bien conservés et la ville avec les associations et les activités d'insertion réalise des prouesses pour maintenir ce patrimoine superbe.
L'un des bâtiments s'appellent le Pavillon du Bailli de Suffren, la légende veut que le Bailli de Suffren s'en soit servi comme pavillon de chasse. Hormis le fait que ce pavillon n'ait certainement aucun lien avec le personnage, le bâtiment date du 16ème siècle, possède une cave voutée en parfait état, des fenêtres à meneaux, les murs sont encore sains et il faudrait pouvoir le recouvrir pour éviter qu'il ne se dégrade.
La ferme de la Pastorale possède encore sa bergerie voutée située sous la maison d'habitation et les dépendances matériels qui sont en train de se dégrader vite. Ce bâtiment date du 17ème siècle est assez étonnant par la taille de sa bergerie voutée.
Sur le haut de la colline, une propriété est encore privée, il y a quelques travaux et malheureusement sa borie circulaire est en partie effondrée.
Le problème de l'eau était immense à l'époque et tout ce qui permettait de récolter l'eau était mis en œuvre. Il existe encore deux puits avec leurs abreuvoirs pour donner à boire aux bêtes et une mine d'eau de plus de 15 mètres de long suinte encore un peu d'eau. Bien sûr, à l'époque, elle devait être entretenue pour donner de l'eau toute l'année.
Les terres sont partagées par des murs assez exceptionnels, de pierres sèches bien sûr, murs de plus de deux mètres de haut qui permettaient de protéger les cultures du vent et des animaux en pastoralisme. On y trouve de très nombreuses pierres trouées, pierres qui situées près des murets ou des bories permettaient d'accrocher les animaux, mais là, situées en hauteur, elles avaient pour rôle de servir de tuteur pour la vigne ou les arbres en culture par espaliers. A remarquer que ces murs étaient bâtis avec leurs deux faces en pierres travaillées et le milieu comblé de petits cailloux.
Toute la colline est couverte de bancau, ces murs de soutènement qui permettent de retenir la terre et l'eau en restanques, ou paliers de cultures dont seule la façade externe est faite de pierres sèches travaillées. Des escaliers à la volée ou des escaliers de passage permettaient d'aller d'un palier sur l'autre.
Souvent, ces murets, dits bancau, orientés au sud possédaient des niches en hauteur permettant d'accueillir les ruches d'abeille et ainsi les protéger des intempéries en hiver, des animaux sauvages et permettaient à l'homme de les réunir en certains endroits où la récolte et la surveillance étaient simplifiées.
Quand les chemins sont trop pentus pour la circulation, les calades, pierres enfoncées dans le sol, permettaient d'avoir des zones de circulation propres et solides.
Les bories de Salon de Provence sont si nombreuses qu'il n'est donc pas besoin d'aller très loin, à Gordes par exemple, pour en voir en très grand nombre. Elles datent toutes du 16ème au 19ème siècle et surtout, elles sont très diverses par leur type de construction.
On peut trouver les bories traditionnelles circulaires, mais ici elles sont souvent bâties avec des paliers pour permettre de s'adapter aux déclivités du terrain. De plus elles sont souvent intégrées à un mur de séparation ou à un mur de restanque avec des escaliers pour atteindre les niveaux supérieurs et parfois même des escaliers à la volée construits dans les hauteurs de la borie pour en atteindre le sommet et ainsi s'assurer un point haut de surveillance par exemple facile à atteindre.
On trouve aussi des bories doubles communicantes souvent faites d'un bâtiment plus important que l'autre.
On y trouve des bories coniques.
On y trouve aussi, fait assez rare pour être signalé, des bories pyramides construites sur un pied carré, avec des étages circulaires dessus repartant sur des trompe-angles à l'intérieur permettant de supporter la construction circulaire. Ces bories possèdent souvent en angle un conduit de cheminée qui profite de l'écart entre la partie carrée et la partie circulaire pour déboucher à l'air libre. Les niches de rangement sont nombreuses, preuve d'une utilisation très intensive nécessitant des lieux de rangement de la nourriture surtout. Des ouvertures de lumières existent aussi.
Ces constructions compliquées n'étaient probablement pas faites par des paysans locaux mais par des muraillers venus de Lombardie où on trouve beaucoup de ce type de construction ou du Gard.