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Voila la dernière journée 2014 des Médiévales organisée par Alain Raynaud. Elle s'intitule “des retables, des chapelles et des fresques dans des paysages de montagne”
Les précédentes pour 2014 sont décrites là
Cette journée s'est faite avec le Conservateur en Chef Honoraire du Patrimoine des Alpes-Maritimes, et pour cette journée, son concours a été extraordinaire.
1 Visite du village de Lieuche
Un village du bout du monde. 40 habitants à plus de 1400m d'altitude, dans un cul de sac, mais un paysage extraordinaire.
Dans son texte de présentation, Alain Raynaud nous disait
Dans la petite église de ce micro-village fondé vers 1200 nous découvrirons le très beau retable de l'Annonciation, peint par Ludovic Brea en 1499. Il a été récemment rénové. Le panneau central met bien en lumière la sereine acceptation par Marie de l'importante mission que Dieu lui confie. Pour l'anecdote, sachez qu'il y a presque plus de personnages représentés sur le retable qu'il n'y a d'habitants dans le village : 200 en 1499, 45 en 2002.
L'arrivée se fait sur une petite place d'où on peut accéder à un beau parking pour accueillir les visiteurs.
Bien sûr les organisateurs sont là et notre ami J&B est arrivé lui aussi. Et pour pallier tout problème, le défibrillateur est accessible.
La place du village où se trouve la mairie comporte l'église dans laquelle notre visite doit se faire et un lavoir. Ce lavoir a une histoire superbe.
En été l'eau est rare et pour économiser cette eau si précieuse un des anciens maires eut l'idée de construire un lavoir pour que toutes les femmes du village puissent venir y faire leur lessive. Après des discussions qui ont duré des mois pour trouver l'endroit le plus propice pour tous et aussi pour la construction, deux endroits ont été choisis : sur la placette près de l'église ou à côté de l'école…. Finalement le conseil municipal décida de le mettre à côté de l'église. Puis, il y eut encore des discussions sans fin pour savoir la hauteur du lavoir : 0,80 ou 1,20 mètre ? Le maire ne voulait pas que son village se divise à cause de 40 centimètres… Le dimanche de Pâques, à la sortie de la grand'messe, le maire rassembla toutes les femmes en âge de faire la lessive. Il les fit s'aligner, de la plus grande à la plus petite. Il les compta et choisit celle du milieu. Il fit mesurer la hauteur de son nombril : on décida que ce serait la hauteur du lavoir ! Ainsi tout le monde fut content !
Le paysage depuis la place est magnifique dans cette journée qui a été marquée par une humidité importante due aux torrents de pluie des jours précédents.
A quelques centaines de mètres, en contrebas, on voit bien une petite chapelle du XVIème siècle qui servait de barrière aux étrangers alors que sévissait le risque de peste. Ce type d'abri, nous en visiterons d'autres dans les villages suivants.
L'Église de la Nativité-de-Notre-Dame date du XVIIIe siècle. C'est une reconstruction qui abrite le retable que nous allons voir.
L'histoire de ce polyptique nous est présentée par notre guide.
Un polyptyque est un ensemble de panneaux peints (voire sculptés), articulé ou non, exposant en peinture chrétienne plusieurs épisodes d'une même histoire sacrée.
L'église de Lieuche date de 1703, date inscrite sur le tabernacle situé devant la peinture. L'encadrement est baroque, comme le reste de la décoration et correspond à la reconstruction de l'église.
D'abord, la situation historique des polyptiques médiévaux est entre 1425, le plus ancien à Nice, à 1550 environ.
C'est donc considéré comme très tardif par rapport à l'Italie par exemple où cet art médiéval avait disparu plus tôt. Cette approche tardive est due au Pays, pays de Montagne, attaché au passé, à l'ancien.
La peinture de ce polyptique, qui date de 1499, est une peinture dite gothique international dont l'auteur, Ludovic Bréa est un représentant. Il est né aux environs de 1450 et décédé en 1522. Il a subi les influences des peintres rencontrés à Avignon ou Gênes, dont de nombreux peintres flamands.
L'ensemble est composé comme suit :
Résumé des commentaires de notre guide :
Volet 1 : Dédié à St Louis de Toulouse, Franciscain avec sa corde et à ses pieds, une représentation du donateur.
Volet 2 : St Antoine l'Ermite, patron du village de Lieuche auquel est dédié la Chapelle de barrière à l'extérieur du village.
Volet 3 : Représentation de deux saints protecteurs, Saint Christophe le passeur, celui qui portait pour traverser les gués des rivières, et St Jean Baptiste. Ces deux saints sont des protecteurs des morts "subites", au sens de morts où l'absolution n'a pas pu être donnée.
Volet 4 : Ste Catherine d'Alexandrie qui devait subir le supplice de la roue, roue qui fut cassée et dont elle tient un morceau, et St Michel l'Archange terrassant le dragon.
Volet 5 : Scène de la rédemption par la crucifixion. Le paradis est visible derrière la croix. Cette scène démontre que Bréa avait aussi le talent de paysagiste.
Volet 6 : La prédelle montre Jésus au centre, et des apôtres autour de lui, dans un ensemble de couleurs et de positions alternées et complémentaires, ce qui montre que Bréa était aussi compositeur de ses toiles.
Volet 7 : C'est Notre Dame de l'Assomption, pris sur un modèle de 1450 à Gênes. L'ange occupe les 2/3 de la scène avec une robe lourde, c'est l'influence flamande sur Bréa. La Vierge, tout en étant statique, établit un dialogue avec l'ange par ses yeux baissés alors que celui-ci a un doigt levé
Saint Antoine l'Ermite, représenté dans le volet 2, est aussi en statue en bois.
Cette statue, conservée ici, est la plus ancienne connue ; elle est antérieure au baroque et doit donc provenir de la première église du village.
2 Village de Roubion
Le paysage vu du village est exceptionnel
Ce village est connu pour sa station de ski; il est d'une centaine d'habitants permanents.
Il possède une richesse à visiter dont nous ne verrons qu'une partie.
Circuit des Portes Peintes
Remises en scène sous le pinceau de l’artiste, Imelda BASSANELLO
Four communal
Le four fonctionne encore aujourd'hui à l'occasion de fêtes.
La fabrication de la farine
Après les récoltes de blé dans les champs de Buisses, du Villars et Vignols (3 hameaux de Roubion), celui-ci était transformé en farine, puis les anciens allaient fabriquer eux-mêmes leur pain au four communal.
Eglise Notre-Dame du Mont-Carmel (1713)
L'extérieur est classique, le cimetière est accolé et comme il ne peut être étendu, il est bâti en tombes superposées
L'église du village fut reconstruite sous la forme des édifices baroques avec quatre chapelles latérales sur la nef.
L'une d'elles, dédiée à Notre-Dame du Rosaire, présente un décor fait de stuc et de gypse, exceptionnel en montagne, et montre l'influence d'un maître italien ayant travaillé ici entre 1715 et 1720.
Chapelle Notre-Dame
En haut du village avec une cloche en bronze.
Granges XIXe siècle
Fontaine du Mouton XVIIIe siècle
Jardin du Pigeonnier
Le château du XIIème
Et la Chapelle Saint-Sébastien (1513)
Elle fait l'objet de notre visite de ce jour.
Dans notre présentation, il était écrit
Ce village de montagne, bâti à 1335 m d'altitude sur un replat à flanc de falaise, conserve une importante longueur de remparts datés des XIIIe et XIVe siècles.
... Sa chapelle Saint-Sébastien est datée de 1513. Elle est couverte de fresques qui relatent la vie et le martyr de saint Sébastien. Sous chaque tableau, la scène est décrite dans un cartouche en écriture gothique et en dialecte provençal. Sur la partie inférieure des murs nous verrons la traditionnelle procession des vices et des vertus. À noter l’image pieuse de la Piéta d'une touchante simplicité.
Notre guide nous explique déjà les deux grands principes de peintures pariétales.
Elles sont faites :
- soit sur enduit frais, dite peinture à fresque, et alors elles sont plus faciles à sauvegarder car elles sont décollables des murs avec leur support. Elles sont les plus longues à créer et donc proviennent de donateurs suffisamment riches.
- Soit sur enduit sec, peinture ad tempera, mouillé avant l'application de la peinture, enduit de colle. Elles sont difficilement sauvegardées.
La chapelle Saint Sébastien est une chapelle barrière, située à l'extérieur du village, au croisement des chemins muletiers, où les voyageurs doivent s'arrêter pour être contrôlés.
Selon leur provenance, ils peuvent pénétrer le village ou non, en fonction des régions de peste.
Ces chapelles barrière ne possédaient que 3 murs, celui de façade était simplement une barrière de bois.
Certaines, dont celle-ci, ont été fermées par un quatrième mur bien plus tard, sur ordre de la hiérarchie catholique.
L'extérieur est très simple, et ici cette chapelle peut aussi bien être confondue avec la grange d'à côté
L'intérieur est très bien sauvegardé. C'est une narration de la vie de St Sébastien, saint protecteur.
Le repas est pris au Bistrot de Pays : un repas excellent préparé avec le four à feu de bois.
3 Village de Roure
La fin de l'après midi est consacrée au village de Roure.
Depuis les 1100 mètres d'altitude, le paysage est sublime.
Le village est perché
Dans son texte de préparation
Ce vieux village montagnard, qui a su préserver sa beauté et son authenticité, est allongé en balcon au-dessus d'un à-pic impressionnant.
... Dans l'église paroissiale, nous découvrirons le retable de l'Assomption daté de 1560 et attribué à François Bréa, le frère de Louis. Nous verrons aussi le retable de Saint-Laurent daté du début du XVIe siècle.
... Au Nord du village, la chapelle Saint-Sébastien et Saint-Bernard nous dévoilera ses fresques d’Andrea de Cella datées de 1510. Elles représentent principalement des scènes de la vie de saint Bernard de Menthon, le saint Bernard des montagnes, et de saint Sébastien.
... Vous remarquerez aussi une scène originale : une femme nue est chevauchée par un diable et un autre diable tire la langue d’un ecclésiastique... Cette représentation rappellerait une aventure entre le curé de Roure et une paroissienne en 1427.
L’église Saint Laurent
(source www.roure.fr)
L'église conserve quelques éléments du bâtiment initial du XIIème siècle, dont la façade de style roman du côté du cimetière avec le clocher-mur à trois baies mais qui datent probablement du XIVe siècle.
A remarquer un Christ crucifié (XVIème) sculpté dans un tronc de mélèze, le bras droit du Christ ayant la particularité d’être une branche non rajoutée.
Un polyptyque de Saint Laurent entouré d’autres figures de saints, œuvre probable d’un artiste ligure du XVIe siècle.
A gauche St Grat ramène la tête de St Jean Baptiste de Palestine.
En haut, Ste Marie Madeleine, St Antoine l'Ermite et la clochette de son cochon.
A droite, Ste Appolonie et la tenaille avec laquelle lui furent arrachées les dents.
Un polyptyque de l’Assomption, réalisé vers 1560 par François Bréa.
Assomption de la vierge au centre.
Marie-Madeleine à droite.
Le revers cintré du ciel sert de protection, il comporte deux évêques de part et d'autres et au centre le couronnement de la vierge tenu par Dieu le Père, son fils et la colombe qui représente le troisième élément de la Ste Trinité.
Un tableau "Ecce homo" accompagné des saints Michel et Gabriel Archanges, Marc et Brigitte avec un découpage semblable aux polyptyques.
Ce tableau a été peint en 1634 par Jean Rocca.
A cette date de création, il montre la période de vide artistique qui a envahit cette région de montagne ; l'artiste qui réalise cette œuvre au milieu du XVIIème siècle imite les polyptiques des artistes primitifs du début du XVIème.
Le village présente un patrimoine riche :
Le patrimoine de la commune présente également plusieurs lieux et monuments :
• la chapelle Saint-Pierre des Pénitents Blancs, construite au XVIIIe siècle, transformée en mairie ;
• la chapelle Notre-Dame-des-Grâces, ou de la Madone, datant du XVe siècle située à l'entrée du village ;
• le four communal, en service le week-end ;
• le moulin à farine et à huile, unique en son genre dans les Alpes-Maritimes de par sa double utilisation.
• le vieux lavoir à trois arches ;
• le castel, ancienne maison forte démantelée en 1621 ;
• l'arboretum Marcel Kroenlein sur quinze hectares entre 1 280 et 1 700 m d'altitude. On y trouve des collections de conifères, de joubarbes, d'érables, de genévriers et de rosiers. Des sculptures y sont présentées8 ;
• le plateau de Longon, par le GR 5 et son refuge : hameau de Vignols, mont Mounier, mont Gravières (2 331 m) ;
• les blockhaus de Valabres, éléments de la ligne maginot, construits entre 1931 et 1935 face au centre de résistance de Rimplas ;
• au hameau de Tiecs : la chapelle Sainte-Anne du XVIIe siècle et le menhir ou Peira, monolithe en grès rose de 2,27 mètres de haut, découvert en 1969 par P. Bodard ;
• au hameau de Valabres : l'église Notre-Dame-des-Neiges, du XVIe siècle.
Nous réalisons la dernière visite de la journée, la montée est assurée dans la bonne humeur, ce qui permet de constater que les Citroën 2CV sont déjà équipées de pneus neige.
La chapelle St Sébastien et St Bernard est une chapelle barrière, située à l'extérieur du village au croisement des chemins muletiers et où étaient retenus les populations susceptibles de venir de pays contamines par la peste.
Elle est aussi constituée de 3 murs fermés à l'époque par une simple barrière ; ici le 4ème mur construit bien plus tard s'arrête à mi-hauteur. Un bénitier à visage humain est à l'extérieur.
A l'intérieur les peintures sont "ad tempera" ce qui explique leur moins bonne conservation, leur rénovation est plus difficile.
Les peintures sont plus naïves et comprennent six panneaux consacrés à la vie de Saint Bernard de Menthon et six autres, en vis-à-vis, racontant des épisodes de la vie de Saint Sébastien
Les panneaux du bas représentent d'un côté les vertus, de l'autre les vices. Celui des vices est exceptionnel : il comporte une représentation de la faute d'une paroissienne avec l'abbé du village.
Celle-ci subit la fornication d'un diable et le moine subit l'arrachage de son auréole, signe de son état consacré, par un autre diable pour être mené en enfer.
La journée se termine ainsi ; elle fut chargée et riche en découvertes.
C'est ce que nous écrivait Alain Raynaud dans son texte d'annonce.
Comme vous le devinez cette journée sera, comme d’habitude, bien remplie.